Questions à Xavier Piechaczyk, Président du Directoires de RTE et Président de la Fondation RTE
RTE a présenté son plan stratégique, évalué à 100 milliards d’euros sur 15 ans. Pouvez-vous nous en décrire les principaux enjeux pour les territoires et la place du monde rural ?
La France est un territoire attractif d’une part grâce à son électricité abondante et à 95 % décarbonée et d’autre part grâce à la performance de ses réseaux, qui maillent l’ensemble du territoire. Construit lors de 2 grandes phases pour accompagner la reconstruction de la France (après la Seconde Guerre mondiale) et son développement économique dans les années 70-80 (avec le développement du nucléaire) : le réseau de RTE vit désormais une 3e ère qui accompagne la décarbonation et la réindustrialisation de notre économie.

Le schéma de développement du réseau (SDDR) est un plan stratégique d’investissement qui doit nous permettre de transformer le réseau de transport d’électricité à l’horizon 2040, avec comme double objectif la réindustrialisation et la sortie des énergies fossiles. Pour cela, notre plan stratégique repose sur trois principaux piliers : le renouvellement du réseau existant et son adaptation au changement climatique ; le raccordement de nouvelles productions et de nouvelles consommations d’électricité ; le renforcement de la grande colonne vertébrale électrique existante (lignes 400 000 volts).
« Nos territoires ne seront attractifs que s’ils sont bien équipés »
Ce programme est également un grand plan d’aménagement et d’attractivité pour les territoires. Enfin, ce plan participe à la reconquête de la souveraineté énergétique et industrielle du pays en augmentant la part d’électricité produite majoritairement sur notre sol dans le mix énergétique mais aussi en s’assurant que nos investissements soient sources de croissance économique et d’emplois en France.
Près de 20 000 communes sont directement concernées par la présence sur leur territoire d’un ouvrage électrique géré par RTE. De nouvelles installations sont-elles prévues dans ce plan et comment fonctionne la concertation avec les élus locaux ?
Sortir des énergies fossiles passe inévitablement par une hausse de notre consommation d’électricité. Or cette grande bascule n’est possible que si le réseau de transport, qui est un des traits d’union entre les lieux de production et de consommation d’électricité, est adapté ou renforcé selon la situation locale. Pour limiter au maximum notre empreinte territoriale, notre plan d’investissement applique une stratégie qui privilégie la transformation des infrastructures existantes. Il s’agit concrètement d’augmenter, voire doubler, la capacité des lignes électriques, dans leur tracé actuel. Il s’agira d’installer des câbles plus gros, des pylônes peut-être plus hauts mais cette stratégie permet d’éviter la construction de 30 % de lignes aériennes supplémentaires. Les nouvelles lignes très haute tension en dehors des tracés existants seront donc l’exception, et ne concerneront que les zones qui n’en comptent pas aujourd’hui ou dans lesquelles le maillage électrique actuel est insuffisant. Enfin, RTE s’engage aussi à mettre certaines lignes en souterrain quand c’est possible, c’est à dire pour les lignes de plus petites tensions.
Les gestionnaires de réseaux doivent travailler avec les territoires pour développer leurs projets. La consultation publique du SDDR, au printemps 2024, a permis de recueillir près de 300 réponses, dont une très grande majorité émane des collectivités. Notre plan fera aussi l’objet d’un débat public, sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), et chaque projet sera ensuite soumis aux règles en vigueur de concertation et de participation du public.
Au-delà de ne pas artificialiser les sols et de permettre les activités agricoles et économiques à proximité de nos lignes : tous nos projets sont guidés par la nécessité d’accompagner et de servir les projets et les dynamiques de développement des territoires.
RTE a été l’un des premiers partenaires du Grand atelier des maires ruraux pour la transition écologique piloté par l’AMRF. Pourquoi avez-vous souhaité ce rapprochement avec les élus ruraux impliqués dans la transition énergétique et que retenez-vous de ces échanges ?
Le réseau de transport d’électricité traverse de très nombreux territoires ruraux, 90% de nos lignes très haute tension y sont installées, et il est, depuis longtemps, naturel de travailler avec l’AMRF. Mais RTE n’est pas seulement un opérateur industriel, il joue aussi un rôle légal d’éclaireur du débat public. C’est à ce titre que nous publions des études approfondies sur l’évolution du système électrique. L’initiative du “Grand Atelier des maires ruraux pour la transition écologique” s’inscrit pleinement dans cette mission. Cela a été, pour nous, une opportunité d’échanger sur le rôle du réseau et sur l’évolution du système électrique dans son ensemble.
C’était aussi une chance de partager avec les élus qui vivent avec nos infrastructures, au quotidien, sur leurs territoires. J’espère que ces échanges offrent aux maires des clés pour exercer pleinement leurs responsabilités en matière d’énergie, notamment concernant le développement de la production d’énergie, l’accueil de nouvelles industries et le réseau qui les accompagne. Enfin ces échanges nourrissent la responsabilité sociétale et territoriale de notre entreprise : celle d’un aménageur durable et responsable qui limite l’empreinte de son infrastructure vitale à l’économie du pays.
Beaucoup d’élus alertent sur les choix budgétaires récents. N’est-ce pas le temps de revoir le modèle de rétribution des territoires ruraux notamment à travers l’IFER ? Plus globalement, comment un groupe comme le vôtre appréhende les enjeux de péréquation ?
Grâce à son maillage sur l’ensemble du pays, RTE garantit les mêmes services à tous les territoires, quelle que soit leur situation géographique et démographique. Un principe nous guide : le principe du « timbre-poste », c’est-à-dire une tarification indépendante de la distance parcourue entre le site d’injection et le site de soutirage. En outre, nos 10 000 salariés répartis sur plus de 150 sites en France participent quotidiennement à la vie économique des territoires et RTE s’engage depuis plusieurs années à favoriser les retombées économiques locales de ses projets.
RTE contribue aussi chaque année à la fiscalité locale directe, notamment dans le cadre de l’imposition forfaitaires sur les pylônes (361 M€) et l’imposition forfaitaires des entreprises de réseaux pour l’ensemble de nos transformateurs (IFER) (115 M€). Il est normal que la fiscalité des réseaux renvoie de la valeur vers les communes qui accueillent nos infrastructures. À cet égard, RTE est très sensible au partage équilibré de cette valeur entre les communes et les EPCI.
« Il est normal que la fiscalité des réseaux renvoie de la valeur, il faut veiller au partage équilibré de cette valeur »
RTE semble avoir pris conscience plus que d’autres entreprises de ses responsabilités sociales et territoriales, notamment au travers de sa Fondation, dont vous êtes le nouveau président. Comment se décline votre slogan « la ruralité est notre cause » ?
La Fondation RTE est la seule fondation dédiée aux ruralités, elle est indépendante de RTE et du développement de ses projets d’infrastructures. La mission de la Fondation RTE, depuis 2008, est d’apporter deux types de soutien aux projets associatifs qui contribuent à la cohésion sociale et à la vitalité des territoires ruraux. D’abord un soutien financier, avec 700 projets soutenus depuis 17 ans, à travers des thématiques très diverses, qui répondent aux enjeux spécifiques des territoires (insertion, habitat, mobilités, tiers-lieux, transitions agricoles, culture). Ensuite avec un soutien humain et une politique forte d’engagement de nos collaborateurs.
La Fondation RTE met en visibilité cette cause du monde rural par ses actions partenariales avec d’autres acteurs, à l’exemple du programme “Entreprendre la ruralité” ou par le lancement de notre programme “Hors-Champ” qui est dédié aux jeunes et aux femmes dans les territoires ruraux. Sur ces questions de la cause rurale, il faut travailler et s’investir collectivement pour mettre en visibilité tous les talents et les projets très innovants qui fourmillent au cœur des territoires ruraux. J’invite donc tous les élus à devenir les relais de la Fondation auprès des habitants et des associations de leurs territoires : que ce soit pour s’inspirer de projets exemplaires déjà soutenus qui peuvent répondre à leurs propres besoins ou pour faciliter la mise en réseau.